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Les agents intelligents s’infiltrent

vendredi 9 mai 2008

Avatars intelligents, pour les puristes, ou tout simplement agents intelligents ou agents conversationnels,, ces nouveaux personnages investissent la toile avec un objectif : celui d’apporter Un service immédiat au client et, de facto, engendrer un gain de temps considérable et augmenter le chiffre d’affaires pour les entreprises. Mais avant d’arriver à cette solution ultime, il ne faut pas perdre de vue toute la technologie de recherche mise en place. Voyage dans ce nouveau monde…. Par Gallianne Coudert

Elles s’appellent Emma pour la MMA, Louise pour E-bay, Chloé pour Neuf Télécom Clara pour la Fnac. Leur mission : se rendre disponible 24h/24 pour répondre à tous types de questions émanant des clients. Qui sont ces nouveaux agents ? Comment travaillent-ils ? Quelles sont les technologies utilisées ? Nous allons tenter de vous présenter à travers ce dossier le vaste concept d’agent.

A la question qu’est-ce qu’un agent intelligent, l’association française de normalisation (AFNOR) précise qu’il s’agit d’un « objet utilisant les techniques de l’intelligence artificielle : il adapte son comportement à son environnement et en mémorisant ses expériences, se comporte comme un sous-système capable d’apprentissage : il enrichit le système qui l’utilise en ajoutant, au cours du temps, des fonctions automatiques de traitement, de contrôle, de mémorisation ou de transfert d’information. » Les agents intelligents sont des programmes capables d’assister l’être humain dans son travail, en automatisant certaines tâches. Par exemple, dans la recherche sur internet, à la manière des Spiders et des aspirateurs, ou encore des comparateurs de prix. Ces programmes nécessitent toujours une interface logicielle classique, c’est-à-dire souvent un formulaire qui permet à l’utilisateur de communiquer ses besoins au programme. L’agent conversationnel est un programme capable de comprendre et répondre dans la langue naturelle de l’utilisateur (le français, l’anglais, etc.). Il complète donc l’agent intelligent, pouvant se greffer à un comparateur de prix pour dialoguer avec l’utilisateur. Chaque entreprise a sa propre technologie de dialogue. Pour VirtuOz, cette capacité de dialogue implique plusieurs choses :une analyse de la syntaxe des phrases de l’utilisateur ; une prise en compte du contexte (pas seulement de la question que vient de poser l’utilisateur, mais également du dialogue entier, voire de l’historique d’utilisation de l’internaute) ; un raisonnement de la part de l’agent conversationnel, qui va utiliser les informations fournies par l’utilisateur pour proposer une solution à son problème. En résumé, les agents conversationnels sont à la fois un certain type d’agents intelligents et un complément à ces derniers. Alexandre Lebrun, PDG de Virtuoz, entreprise spécialisée dans la création d’agents conversationnels, précise la différence entre un avatar et un agent. Selon lui, le premier est l’image de l’agent, le second est un avatar capable de converser sous forme de chat. Bref, ajoute-t-il, on peut bel et bien parler d’avatar intelligent. “L’intérêt du concept : que le consommateur parle de son besoin et qu’il soit écouté. Mounir Rochdi, responsable des Systèmes d’Information chez Cybion et Docteur ès-sciences en sciences de l’information de l’université Aix-Marseille 3 (Spécialiste en recherche d’information et de surveillance, il est le fondateur de www.veille.ma, première communauté d’intelligence économique au Maroc) complète : « en réalité, un agent intelligent est autonome car il effectue des taches répétitives à la place de l’être humain (une recherche d’information, une surveillance de page, une comparaison régulière de prix, etc.). Il apprend de son fonctionnement (les préférences de l’utilisateur, les filtres mis en place, la langue de travail préférée, etc.). Un agent intelligent est aussi mobile puisque utilisable partout via un accès à distance ou installé sur un ordinateur portable. » Aussi étrange que cela puisse paraître, la naissance du concept remonte à 1967. « Le premier agent a été développé en 1967 au MIT aux Etats-Unis, bien avant le développement d’internet », raconte Alexandre Lebrun. Concrètement, les chercheurs ont réussi à faire parler une machine. Ce n’est que dans les années 2000 que ce concept, toujours en Amérique, refait surface avec l’avènement de l’e-commerce. Avant que les agents ne traversent l’océan atlantique, il faudra attendre 2006. « En 2005, on enregistrait 1000 conversations (session de chat – en moyenne sept aller-retours sont dénombrés par session) par an, explique ce dernier alors qu’aujourd’hui, on atteint des volumes de 5 millions par mois ». Mounir Rochdi met en avant d’autres explications : « c’est internet qui a permis aux agents intelligents de se développer, depuis que le réseau a été ouvert au grand public. Les premiers outils que l’on surnommait agents intelligents sont les aspirateurs de sites web. La connexion modem était lente et onéreuse, les aspirateurs permettaient de télécharger un site pour le consulter en Off Line. Aujourd’hui cette notion d’aspirateurs est totalement dépassée non seulement grâce à la démocratisation de l’accès haut débit ADSL mais aussi parce que les sites sont devenus beaucoup plus riches et plus lourds. Des agents intelligents de deuxième génération sont apparus : les outils de surveillance qui permettent de connaître ce qui a été modifié sur site web, les comparateurs de prix pour trouver le magasin le moins cher, les outils d’enchères automatiques pour s’assurer le plus possible de remporter une enchère, le traitement et classement d’une grande masse d’informations, etc. » Nous sommes ici à la frontière de l’Intelligence Artificielle (A.I).

Fonctionnement. « Basé sur l’automatisation d’une tâche répétitive, un agent intelligent utilise le même principe que tout logiciel informatique, confie Mounir Rochdi. C’est-à-dire installation, configuration et exécution. Bien entendu, on ne parlera pas d’installation pour des outils disponibles en mode ASP (Application service provider). Ces trois fonctionnements seront différents selon la complexité de la tâche à accomplir et de la qualité de l’agent utilisé ». Avant de s’atteler à la tâche, il est primordial de bien définir le besoin du client. Ce dernier poursuit : « un client souhaite interroger des voyagistes et des sites marchands pour connaître les tarifs des billets d’avions sur certaines destinations. Il souhaite aussi surveiller les évolutions de ces tarifs. L’agent que nous avons choisi pour cette tâche était un outil qui imitait la navigation de l’internaute pour remplir les différents formulaires de recherche de billet d’avion pour ensuite extraire le prix final. Le choix du type d’agent intelligent à utiliser est déterminant dés le départ. C’est pour cela que nous commençons toujours par identifier le besoin réel du client ». Pour mettre en place un agent intelligent ou avatar virtuel, trois étapes sont à suivre. La première est la compréhension. « Il s’agit d’une analyse linguistique des termes utilisés, détaille Alexandre Lebrun. L’objectif affiché : que toutes les manières de dire soient compréhensibles pour l’agent ». Prenons un simple exemple. Je veux me rendre en Martinique ou je kif trop d’aller en Martinique signifient la même chose, mais la sémantique est bien différente. Pour gérer au mieux ces utilisations de la langue française, d’importantes bases de données linguistiques analysent chaque mot. Cette solution est adaptative puisque des linguistiques travaillent sur chaque terme avant de l’intégrer dans la base de données et ainsi en expliquer le sens à l’agent. Quant au langage SMS, il reste une extension du français. « Le langage SMS a ses règles, tout comme le français à ceci près que les codes sont encore plus forts », constate-t-on chez Virtuoz. L’agent peut ainsi comprendre et « entendre » ce que lui exprime son interlocuteur. Ensuite la seconde étape reprend les règles fournies par l’entreprise. Il s’agit de définir le comportement de l’agent face aux situations qu’il sera amené à rencontrer. L’agent peut être programmé pour répondre au-delà de simples questions. C’est le cas d’E-bay qui a demandé à ce que l’internaute puisse annuler une enchère via l’agent. « Concrètement, explique Alexandre Lebrun, si tel est le cas, la demande arrive chez nous. On se connecte au site en appelant une base de données très structurée qui nous donnera l’information sur l’enchère. L’agent appliquera la règle de l’entreprise. Si l’annulation est possible, il l’enclenchera. Si ce n’est pas le cas, il en donnera les raisons. Notre entreprise est véritablement l’interface entre l’utilisateur humain et E-bay. En d’autres termes, nous rendons le code informatique binaire compréhensible. Et cette démarche correspond à un vrai besoin car le niveau moyen de familiarité avec Internet des clients de E-Bay tend à diminuer. En effet, les derniers internautes ne sont pas habitués aux technologies et services poussés. Or, les services web se multiplient et se complexifient pour apporter davantage à l’internaute. Il y a donc un réel besoin de rechercher des interfaces entre les humains et les programmes-services à la fois plus intuitives et plus efficace (capable d’une meilleure gestion)ne cesse de croître, tout comme les services, de plus en plus nombreux (assurances, systèmes de paiement, etc. Le fossé augmente naturellement entre l’entreprise et ses clients. Les agents comblent cet espace. » La troisième étape correspond à l’apprentissage de l’agent. L’entreprise présente toujours de nouveaux produits ou services et l’agent intègre un vocabulaire de plus en plus étoffé. « Nous avons mis en place un reporting sur lequel l’agent présente des comptes-rendus, explique Alexandre Lebrun : les produits les plus demandés, ceux qui engendrent le plus de complications, la question la plus souvent posée, etc. Il précise, le cas échéant, s’il ne dispose pas de réponse adaptée ». Par exemple, Léa (voyagesncf.com) s’est rendue compte que beaucoup d’internautes se souciaient des animaux de compagnie. Le volume sur ce thème était important. Elle a donc remonté cette thématique dans ses rapports, reprenant parfois des pans complets de conversation. L’entreprise s’est aperçue que les clients remarquaient (pour ceux qui disposaient de tarifs préférentiels) que le voyage de leurs animaux leur coûtait plus cher que pour eux-même. L’entreprise a ainsi pu réagir et prévoit de mettre en place une offre commerciale. Des objectifs. Si l’agent peut avoir une « fonction » marketing intéressante, il ne faut pas en oublier ses avantages fonctionnels. C’est ce que nous confie Mounir Rochdi. « Si on considère qu’il existe un objectif marketing, il n’est alors présent que dans la dénomination, indique-t-il. On se rend compte par expérience qu’un agent intelligent est un logiciel informatique que nous utilisons peut être déjà mais qui n’avait pas ce nom. L’objectif d’un agent intelligent est exclusivement fonctionnel. L’objectif d’un agent conversationnel, dans la mesure où il a une image et une personnalité propre, et un langage qui correspond à l’entreprise qu’il représente, est d’être utilisé à un niveau marketing. Par exemple un méta-moteur de recherche (considéré comme un agent intelligent) va interroger à la place de l’internaute plusieurs moteurs de recherche en même temps en dédoublant les résultats. En d’autres termes, si l’internaute devait interroger plusieurs moteurs, il passerait plus de temps à effectuer la tâche, il se heurterait aux résultats doubles qu’il devrait éliminer et n’aurait aucun repère de classement ». Alexandre Lebrun complète. « Le rôle d’un agent est de qualifier la demande (aussi bien pour les produits que les services) en sélectionnant, pour une offre de crédit par exemple, la durée de remboursement, le montant emprunté, la nature du projet. Il sera capable de proposer une inscription en ligne. En revanche, en cas de besoin spécifique, l’agent orientera l’internaute vers un conseiller « humain ». Il est évident que l’agent ne remplacera jamais l’être humain. En revanche, son utilisation devient intéressante pour un premier niveau de contact afin que les conseillers humains ne traitent que les demandes à forte valeur ajoutée.

Valeur ajoutée. La mise en place d’une telle solution dans les entreprises peut engendrer de nombreuses conséquences. Pour n’en citer que quelques-unes, prenons l’exemple de la montée en qualification de l’équipe. « Voyagesncf.com a opté pour cette solution, relate Alexandre Lebrun. En effet, l’équipe qui répondait aux e-mails est montée en compétence grâce à l’agent qui traite uniquement les demandes usuelles, tandis que les conseillers se consacrent à des questions plus pointues. Certains membres de l’équipe sont même devenus les coachs de l’agent, ayant pour mission de le faire évoluer. » En d’autres termes, l’agent intelligent traite le gros volume d’échanges à faible valeur ajoutée.

« En termes de résultats chiffrés on a pu constater chez nos clients une baisse comprise entre 20 et 50% de contacts entrants sur e-mail ou call center après mise en place de l’agent. Autre exemple : sur le site mma.fr, le nombre de devis en ligne a augmenté de 30 %. Sur des clients comme Voyagesncf.com et Neuf Cégétel, on le mesure au jour le jour », poursuit ce dernier. Quant aux internautes, ils se laissent facilement prendre au jeu, puisque pour le PDG de Virtuoz 70% d’entres eux remercient l’agent ou le saluent à la fin de la conversation. « Même si les internautes sont conscients de la virtualité de l’agent, ce comportement se justifie par le fait qu’ils ont été aidés ou conseillés. L’échange reste très « humain », conclut Alexandre Lebrun. Pour preuve, sur l’ensemble des agents de Virtuoz, on constate environ 75% de taux de résolution des problèmes. Les 20% restant sont des demandes au ROI important. Si l’agent ne détient pas la réponse appropriée, il s’en excusera auprès de l’internaute et le reverra vers un contact humain (mail ou téléphone, selon l’heure). Cette question viendra agrémenter le reporting pour enrichir la connaissance de l’entreprise et de facto de l’agent.

Pour l’internaute, cette nouvelle relation est bien vécue. Car « ce qu’il apprécie est la réactivité de l’agent, reprend Alexandre Lebrun. Il peut être contacté à n’importe quelle heure, le service est gratuit et surtout sans attente. » En outre, l’agent est conçu, dès le départ, avec sa propre personnalité, il peut être plus ou moins sérieux, En revanche, ils répondent aux approches drague avec plus ou moins de gentillesse et de tolérance., etc. Nombreux sont les internautes qui n’hésitent pas à lui poser des questions personnelles. Et, si la mise en place d’un agent peut sembler par moment relever davantage du gadget, il participe activement à l’entretien d’une relation forte entre les clients et l’entreprise en recentrant toutes les conversations sur le produit ou le service.

Evolutions. En se projetant dans quelques années, les agents évolueront c’est certain. L’entreprise Virtuoz travaille d’ores et déjà sur l’intégration de la voix. « Nous travaillons sur ce sujet et pensons commercialiser cette nouvelle solution dans 18 ou 24 mois, lance Alexandre Lebrun. Mounir Rochdi pousse la réflexion encore plus loin. « Je pense que l’on ne parlera plus d’agent intelligent mais on trouvera un nouveau terme marketing pour cela. Ils ont déjà évolué et ont dépassé le stade internet. Prenons l’exemple d’un ordinateur portable MAC. Lorsque l’on achète un nouvel ordinateur portable MAC, lorsque les deux sont en réseau, le nouveau MAC vous demandera si vous souhaitez récupérer tous vos fichiers, dossiers de travail depuis l’ancien. Il suffit de quelques clics et tout se fait de manière transparente. Nous pouvons dire que deux agents intelligents ont communiqué entre eux. » Il poursuit : « certains outils de recherche apprennent de l’expérience et surveillent ce que vous gardez et ce que vous supprimez comme résultats. Lors de vos prochaines utilisations, l’agent cachera par défaut les résultats qu’il pense non intéressant pour vous. Mais ils ne seront jamais supprimés. Parallèlement, avec le développement du GPS sur les téléphones portables, nous pouvons imaginer demain deux personnes qui communiquent par téléphone pour trouver un lieu de rendez-vous commun par rapport à la position géographique dans laquelle les deux utilisateurs se trouvent. Autre exemple, je monte dans ma voiture ou je prends ma bicyclette et mon téléphone continue à me guider. Si je suis bloqué dans le trafic, la personne qui m’attend recevra automatiquement un SMS la prévenant, ainsi de mon retard sans que je sois obligé de m’en charger. Voici une utilisation future des agents intelligents ». De quoi rêver encore….

Voir en ligne : vad-info.com