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Pour une politique publique élargie d’Intelligence Economique

dimanche 1er juillet 2007

Depuis la fin de l’année 2006 (1) , une accélération et une dynamique soutenues ont marqué le champ de l’intelligence économique au Maroc. Cette nouvelle donne dénote d’une prise de conscience réelle des acteurs et révèle les enjeux actuels et futurs de l’IE (2) , pour l’Etat, les territoires et les entreprises.

DEFINITION DU CONCEPT

Dans un monde de plus en plus complexe et global, l’intelligence économique offre aux décideurs publics et aux chefs d’entreprises, une nouvelle possibilité de compréhension et d’analyse de leur environnement. Que signifie au juste ce concept ?

Dans son acception large, l’intelligence économique peut être considérée comme un processus qui s’appuie sur trois leviers coordonnés à savoir : la surveillance active de l’environnement global en vue de détecter les opportunités de développement et d’anticiper les risques, les crises, les incertitudes et les ruptures ; la protection du patrimoine immatériel et la conduite des actions d’influence.

A la fois offensive et défensive, l’intelligence économique permet d’une part à l’Etat et aux territoires de se protéger, d’assurer le meilleur niveau d’attractivité et de développement économique et social et aux entreprises (grandes et PME), de rester compétitives, innovantes et durables d’autre part.

Dans cette optique, l’intelligence économique permet aux différents acteurs publics et privés, de transformer « l’information » collectée en « connaissance » et puis en « intelligence » qui réduira « l’incertitude » et rendra « moins aléatoire » la prise de leurs décisions.

PRATIQUES INTERNATIONALES

A l’observation des pratiques internationales ( USA, Grande Bretagne, Suède, Allemagne, France, Japon,etc.) , le dispositif d’IE est devenu dans un climat de concurrence intense, un outil privilégié et incontournable pour défendre les intérêts vitaux à la fois du pays et de ses entreprises.

En effet, des budgets, des structures et des moyens humains importants ont été mobilisés et déployés pour gagner davantage de parts de marché, se protéger et élargir les zones d’influence à travers le globe. Certains pays ont pris conscience de l’importance cruciale d’une politique IE et ont décidé de mettre en oeuvre une démarche nationale.

A titre d’exemple, la France en procédant en 2003 à la nomination d’un haut responsable en charge de l’intelligence économique placé au niveau du SGDN (3) et à la mise en place depuis 2005 d’un large dispositif national et territorial, a accéléré d’une manière résolue le processus de sensibilisation, de coordination et d’animation des parties concernées par la question d’IE. En s’impliquant directement, l’Etat et ses représentants à l’échelon territorial et à l’étranger (administrations centrales, préfectures des régions et ambassades), ont contribué à défendre économiquement les positions des secteurs sensibles, à surveiller les domaines stratégiques et à consolider l’influence du pays dans les différents continents et instances internationales. Enfin, l’Etat s’est retrouvé désormais au centre d’un puissant réseau d’IE composé des régions, des CCI, des universités, des professionnels et d’organismes public

QUID DU MAROC ?

Au Maroc, les différentes initiatives publiques et privées lancées en matière d’IE restent jeunes et limitées à quelques secteurs (4). Par ailleurs, à part quelques tentatives limitées, aucun état des lieux global n’a à ce jour été publié. Enfin, il convient de souligner que des réflexions sont en cours pour dessiner les contours futurs de l’IE dans notre pays (5).

Dans tous les cas de figure, un ensemble d’objectifs et de règles devrait être pris en considération afin que le futur dispositif soit à la hauteur des défis dictés par la globalisation et par la compétition internationale.

En termes d’objectifs stratégiques, le dispositif d’IE devra porter principalement sur : le soutien au plan « Emergence (6) » , à la Vision 2010 du tourisme et aux autres secteurs jugés prioritaires ; la protection du capital informationnel et immatériel du pays et de ses entreprises (capital humain, capital organisationnel et capital relationnel) et la conduite d’actions d’influence au niveau des pays et des instances régionales et internationales préalablement identifiés.

En termes de règles de fonctionnement, le dispositif opérationnel d’IE devrait s’appuyer sur quatre principes simples mais interdépendants :

La complémentarité : Au tour d’une vision commune et partagée, des missions et des prérogatives spécifiques devraient être définies pour l’Administration, les territoires et les entreprises tant publiques que privées.

La cohérence : Dans une logique de coopération et d’échange, les actions sur le terrain devraient être menées de concert entre les acteurs à l’échelon local, central et international.

La rationalisation : les moyens logistiques et financiers et les structures actuels ou à venir devraient être mutualisés, partagés et regroupés le cas échéant, pour éviter les doubles emplois et les dépenses inutiles.

Le pilotage : une structure légère et indépendante devrait assurer le rôle d’information, d’animation et de coordination du réseau national d’IE. Elle devra également prendre en charge l’établissement du reporting approprié sur l’ensemble des activités IE.

En conclusion, la politique publique élargie à venir doit résolument privilégier la défense des intérêts du Maroc et de ses entreprises, son rayonnement régional et international et le maintien de sa cohésion sociale.

Mohamed Ourdedine, consultant
ourdedine@menara.ma

(1) Création de l’Association marocaine d’intelligence économique en novembre 2006, organisation par l’AMIE d’un colloque sur l’ « intelligence territoriale » en mars 2007, table ronde à l’ESI sur l’IE en mai 2007, table ronde sur l’IE au séminaire du Centre national de Documentation en mai 2007, création d’entités dédiées à l’IE, séminaires sur l’IE à l’université Al Akhawayn en 2007, etc. Il convient cependant de rappeler les initiatives lancées à partir de la fin de 2004 : Colloque de Tétouan ( novembre 2004, colloque de R&D Maroc (mars 2005) et le voyage d’études de l’IFIE en juin 2005, etc.

(2)Intelligence économique

(3)Secrétariat général de la défense nationale rattaché à la primature.

(4) Article de M.Rochdi et S. Harroussi - Veille.ma http://www.veille.ma/+Le-Maroc-a-l-ere-de-l Intelligence+.html ?var_recherche=intelligence+economique+au+maroc

(5)Entretien d’A.Juillet avec l’Economiste - mars 2007, www.leconomiste.com

(6)Plan Emergence est une nouvelle politique industrielle mise en œuvre et qui apporte un soutien actif aux secteurs suivants : l’offshoring, l’automobile, l’électronique, les zones franches deuxième génération, l’agro-alimentaire, les produits de la mer et l’artisanat.

(7)Vision 2010 est une nouvelle politique touristique qui s’articule autour des axes suivants : le produit touristique, la formation, le transport aérien, le marketing communication, l’environnement touristique et l’organisation institutionnelle du secteur