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Terrorismes et guerres de l’information

vendredi 9 avril 2010

Nouvelles, pour autant que nos catégories anciennes en rendent mal compte : guerre et paix, politique et économique, communication et conflit, technique et idéologique, national et international....,
Violences au sens où, même si elles ne détruisent pas toujours des corps, elles visent à une contrainte ou un dommage,
Symboliques, par ce qu’elles impliquent toujours un élément de croyance partagée, et comme moteur et comme cible ,
Techniques, puisqu’elles font intervenir systématiquement des moyens modernes de destruction et de transmission.

Ces moyens nous les percevons à travers ce qui est l’emblème même de notre époque : l’écran. Dans les deux exemples précités, il joue un rôle crucial dans la mesure où il reproduit les événements et les amplifie, mais aussi parce que ces événements, bombes ou lazzi, ont été mis en scène, organisés pour être vus et connus, bref formatés pour l’écran.

L’écran est à entendre ici des sens bien différents, depuis la cohabitation d’écrans cathodiques, la télévision, média de masse par excellence, et d’écrans numériques, ouvrant sur les mondes virtuels. Ce qui peut se décliner :
- l’écran reflète, bien ou mal, la réalité
- l’écran est le lieu de projection, y compris celle des fantasmes et des pulsions agressives
- l’écran fait écran : il nous sépare aussi d’une vie, voire d’une mort, que nous éprouvons à distance
- l’écran vaut carte : c’est sur les écrans que s’exercent surveillance, modélisation et contrôle
- l’écran vaut territoire puisqu’il s’agit aussi de le conquérir
- l’écran fait interface : il sert à agir à distance, mais aussi à partager. Il est entre monde des choses et monde des représentations, technique, imaginaire et cultures.

Nous avons tendance à considérer l’écran soit comme l’emblème de la modernité - et à penser en termes d’impact des technologies - soit comme une lucarne déformante. Dans le second cas, nous lui reprochons souvent une perte, un défaut de transparence ou de vraisemblance : sa restitution de la réalité serait faussée. Ainsi, il n’est actuellement question que de la façon dont les médias présentent l’insécurité. Par ses excès, elle nourrirait les fantasmes ; par incitation, elle provoquerait une contagion de la violence. Or, quel que soit l’intérêt politique ou pratique de tels débats, ce n’est qu’un des aspects du problème.

À force d’insister sur ce que ces technologies nous font, nous oublions ce que nous nous faisons par leur intermédiaire et ce n’est pas toujours tendre. Nous négligeons leur dimension stratégique : l’usage délibéré dans les affrontements de l’information, sous toutes ses formes, d’un algorithme à un communiqué de presse, d’une photo à un virus.

De la stratégie, il a été dit que c’était la dialectique des intelligences, dirigeant des forces pour résoudre leurs conflits ; Le mot évoque d’abord la guerre. Or les nouvelles violences n’emploient pas seulement des forces, mais aussi messages et des savoirs dangereux. Les machines à communiquer valent des machines de guerre : l’expansion des technologies douces s’accompagne de conflits durs où l’information sera à la fois arme, enjeu et cible.

Voici que resurgissent des guerres archaïques, tribales, ethniques, de ces guerres où l’on sait pourquoi l’on tue, puisqu’on tue son voisin. Guerres de riches par écrans interposés : guerres glacées et sans passion, guerres technologiques à alibi moral, de punition ou d’affirmation de puissance, mais aussi guerres imprécises où l’on peine à distinguer hostilité, dissuasion, dominance, prévention, répression, violence faite aux choses, aux idées et aux gens . Guerres de pauvres à hauteur d’homme : guerres brûlantes, morts exhibés, passions surchauffées, haines identitaires, outils rustiques, foi ardente. Ni les premières, ni les secondes ne s’expliquent simplement par les aberrations de la nature humaine, ni par les lois de la géopolitique.

Les nouvelles violences collectives sont hybrides par leurs motivations (criminelles/politiques, millénaristes/politiques, économiques/politiques), hybrides par les acteurs qui les mènent, qui ne sont ni des partis, ni des armées, et, bien sûr, par leurs méthodes qui mêlent les forces de la croyance, les instruments de la communication, et la brutalité crue.

Valéry disait que deux choses menacent le monde :l’ordre et le désordre. C’est vrai plus que jamais. D’un côté le danger de contrôle en douceur par les systèmes planétaires de gestion de l’information. De l’autre, le péril d’un chaos qui résulterait autant des usages anarchiques ou délictueux des technologies, que violences erratiques comme la privatisation de la guerre ou le terrorisme. L’instance politique sera-t-elle capable de s’adapter à ces nouvelles menaces qui remettent en cause son fondement même ? Pour cela, il faudrait d’abord commencer par penser une violence qui remet en cause toutes ses certitudes

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