Accueil > Actualités > Quelques réflexions sur l’implication des agences de notation dans la crise financière (...)

Quelques réflexions sur l’implication des agences de notation dans la crise financière internationale de 2008

mercredi 16 juin 2010

Par Mohamed SEMMAE
Lauréat de l’ENCG Tanger – Maroc
Etudiant en Master 2 IAE – France
msemmae@gmail.com

La crise financière internationale a soulevé assez de débats et de controverses sur la responsabilité des différents acteurs dans son déclenchement. Cela s’explique notamment par des pratiques frauduleuses dans le secteur bancaire, lié à une utilisation de quelques produits d’innovation financière dans l’objectif de transférer le risque bancaire aux investisseurs sur le marché financier.

Cette situation se manifeste largement par l’utilisation des techniques d’ingénierie financière relatives aux opérations hors bilan en particulier la titrisation, qui consiste à adosser des titres à des actifs, de types financiers, corporels, incorporels, …etc.

A la lumière de la crise des subprimes en 2006, l’effondrement des prix de l’immobilier aux Etats-Unis a engendré la chute de la valeur des titres dont la valeur boursière dépend des biens immobiliers hypothéqués (Ce type d’actifs objets de la titrisation est appelé : « RMBS » ou Residential Mortgage Backed Securities (crédits hypothécaires aux ménages)), ce qui a constitué un facteur déclencheur des faillites des banques dont leur valeur de marché a été brutalement effondrée, notamment avec la pratique des normes comptables, US GAAP aux États-Unis et IAS/IFRS en Europe, qui sont basées sur le principe de la fair value ou la juste valeur.

A cet égard, Dans le système financier international, les agences de notation jouent un rôle central dans l’évaluation des risques aussi bien par des emprunteurs privés que publics. Le rôle de ces agences de notation s’est davantage renforcé par la nouvelle réglementation bancaire internationale notamment Bâle 2. Leur développement récent résulte du besoin croissant des acteurs de faire face à l’asymétrie informationnelle en matière de mesure de risque. Actuellement, le marché international de la notation est dominé par trois agences américaines, Moody’s, Standard&Poor’s et Fitch rating.
Face à la place qu’occupent ces agences de notation et surtout leur rôle à prévoir et à limiter les risques et dans un contexte marqué par la crise financière internationale, il est très légitime de s’interroger sur l’implication directe ou indirecte des agences de notation dans le processus de panique bancaire durant cette crise financière internationale.

En d’autre terme la question qu’on peut formuler est la suivante : Qu’il est le rôle qu’ont joué les agences de notation dans la crise financière internationales ?

Avant d’apporter des éléments de réponses à cette question, il est intéressant de passer en revue le rôle que sont censées jouer ces agences de notation dans la sphère financière internationale.

Les agences de notation : un acteur incontournable dans le processus de titrisation

Le schéma ci-dessous explique le processus de la titrisation qui consiste à transférer au marché, des risques que les banques ne veulent pas ou ne veulent plus conserver. Les créances, transformées en actifs financiers, sont souvent reconditionnées par des mécanismes de rehaussement de crédit, qui sont souvent fondés sur les garanties données par les sociétés d’assurance. A cet égard, le rôle des agences de notation demeure indispensable dans toute opération de titrisation en évaluant le risque inhérent au montage du SPV (Special Purpose Vehicule) et le risque du portefeuille des créances qui ont été cédées.

Il est à noter que Les revenus de la titrisation représentent une part importante des revenus des agences de notation. En effet, en moyenne, la part de revenus provenant de cette activité se situe entre 37 et 47% du chiffre d’affaires européen des principales agences de notation. La part de cette activité dans le monde, au regard du chiffre d’affaires mondial des agences, est du même ordre (« La notation en matière de titrisation », rapport de l’Autorité des Marchés Financiers en France, 31 Janvier 2006. (notre choix de la version du rapport de l’AMF s’explique par notre besoin de montrer le poids des opérations de titrisation dans les agences de notation pendant la période précédant le déclenchement de la crise des subprimes)) . Outre les opérations de titrisation, les agences de notation ont un rôle déterminant dans la cotation des risques procurés par les débiteurs qu’ils soient publics ou privés. Ainsi, elles sont censées éclairer les acteurs du monde de la finance sur les opérateurs à risque pour les avertir à prendre les mesures nécessaires en terme de garanties et d’assurances.

Les agences de notation : une responsabilité qui s’explique par une place centrale

Après avoir évoqué la place ainsi que le rôle des agences de notation dans le processus de titrisation, nous mettons la lumière sur l’implication de ces agences dans le déclenchement de la crise des subprimes, et par la suite de la crise financière.

Le marché des subprimes a été massivement financé par la titrisation, les créances étant regroupées dans des véhicules de financement ad hoc et transformées en titres négociables souscrits par des investisseurs. Ces titres étaient souvent douteux car ils émanent des crédits risqués vu l’incapacité des débiteurs à honorer leurs engagements à temps. Il y a donc une sous évaluation des risques de la part des agences de notation. Ce constat nous permet de dire que ces agences de notation occupent « une part de responsabilité dans la crise », comme il a été confirmé par le président de l’AMF Jean-Pierre Jouyet.

Dans son rapport publié en Janvier 2009, l’AMF accuse les agences de notation, et ce en raison de trois facteurs :

- Les agences de notation ont participé à l’assèchement du marché du crédit des entreprises. Elles n’ont pas suffisamment anticipé l’augmentation du risque de défaut d’entreprises et ont brutalement abaissé leur note en 2008 (155 dégradations contre 56 en 2007), surtout à l’été 2008 ;
- L’instabilité des notations sur l’activité des produits dérivés (titrisation).

Selon le même rapport, la responsabilité des agences de notation tient son effet du manque de la concurrence dans le secteur de la notation (seulement trois acteurs de références au monde) ; la faible transparence des agences sur leurs méthodes de notation qui empêche les investisseurs de se poser les bonnes questions et d’apprécier eux-mêmes le risque ; et les possibles conflits d’intérêts entre les activités de notation et celles de conseil aux entreprises de ces mêmes agences de notation.

Les agences de notation : des réformes qui persistent

Suite à la réunion de G20 à Londres, le 2 Avril 2009, les chefs d’Etats ont souligné l’importance de porter une grande attention aux réformes du marché de notation, grâce à la mise en place des réglementations pour contrôler l’activité des agences de notation et favoriser la transparence sur leurs méthodes d’évaluation ; et la diversification des sources de notation par le recours à d’autres acteurs comme les sociétés d’assurance. De leur côté les Européens proposent la création d’un organe de supervision international ("regulatory body").

Conclusion :

Les agences de notation occupent actuellement une place déterminante dans l’économie mondiale, ce qui nécessite une grande vigilance de la part des autorités de régulation dans leur contrôle. Ainsi, la crise financière internationale a montré des défaillances dans l’activité des agences de notation dont la seule préoccupation était d’accorder des notes indépendamment de toute considération liée à leur responsabilité éthique vis-à-vis des investisseurs et des autres parties prenantes.