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Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) et performance RH

dimanche 26 février 2012

Article proposé pour Veille.ma par
Mohamed SEMMAA
Doctorant en RSE, CNAM Paris
msemmae@gmail.com

La seule prise en compte de la rentabilité financière comporte des limites pour l’appréciation de la performance globale de l’entreprise. Celle-ci intervient dans un environnement où plusieurs sensibilités humaines, environnementales et sociales coexistent. Dans ce contexte, l’entreprise n’est pas seulement censée répondre aux besoins de ses différentes parties prenantes, mais elle doit être en mesure d’intégrer des démarches « socialement responsables » dans l’appréhension et l’appréciation de sa performance.

De ce fait, la responsabilité sociétale des entreprises demeure un champ transversal au sein de l’entreprise. Elle devient alors une préoccupation managériale intégrant à la fois le pilotage stratégique et opérationnel de l’entreprise, d’une part, et une vision systémique de l’entreprise, d’autre part. Autrement dit, la RSE permet de fournir des outils de suivi et de pilotage assurant la meilleure prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux, au niveau de l’ensemble des fonctions de l’entreprise (ressources humaines, achats, finances).
Il est clair que la RSE constitue un générateur « de bonnes pratiques » de l’entreprise et permet aux entreprises, comme l’a cité Ackerman (1973) (1), de s’organiser afin de répondre à des demandes sociales qui sont appelées à évoluer dans le temps.

Dans ce contexte, la performance se définit à travers trois approches :

De la Performance Financière (PF) à la Performance Sociétale de l’Entreprise (PSE) :

La performance est un concept très discutable d’autant plus que ses définitions comportent de nombreuses ambigüités. Elle est souvent perçue comme le résultat de l’addition entre « efficience » (moyens) et « efficacité » (résultats). Ainsi, Bourguigon (2000) (2) définit la performance comme : « la réalisation des objectifs organisationnels, quelles que soient la nature et la variété de ces objectifs. Cette réalisation peut se comprendre au sens strict (résultat, aboutissement) ou au sens large du processus qui mène au résultat (action) … ».

Par ailleurs, la mesure de la performance est autant emblématique que sa définition. D’un côté, la logique financière intègre dans la mesure de la performance les dimensions liées au résultat dégagé et les ressources mobilisées. En effet, une entreprise dite « efficiente » est celle dont les résultats sont atteints par l’utilisation de moins de ressources possibles. Cette perspective dite « financière » est étroitement liée à une vision gestionnaire à court terme, dont les mesures, selon l’expression de Loning (2003) (3), « devront être remplacées par de multiples indicateurs non financiers qui constituent de meilleurs cibles et ont une meilleure valeur prédictive quant aux objectifs de rentabilité à long terme de l’entreprise ».

D’un autre côté, la logique sociétale semble avoir dépassée les limites de la logique financière, en intégrant des critères extra-financiers dans la mesure de la performance. Dans ce sens, Germian et Terbucq (4) expliquent la PSE à travers trois dimensions :
- « La première correspond aux fins que poursuit l’entreprise par le biais de la responsabilité sociétale. Celle-ci implique non seulement les impératifs de rentabilité économique et de respect des obligations légales, mais, au-delà, le recours à un comportement éthique, conforme aux normes et attentes sociales, ainsi qu’une part plus volontaire et discrétionnaire d’inspiration philanthropique.
- La seconde correspond à la sensibilité sociétale. Elle est mesurée en fonction de quatre postures possibles résumées par l’échelle RCAP (refus, contestation, adaptation et proaction ou anticipation). En position de refus, l’entreprise s’oppose à toute modification. Lorsqu’elle opte pour la contestation, elle s’en tient généralement uniquement au minimum légal. L’adaptation représente une posture plus progressiste. Enfin, l’anticipation permet à l’entreprise d’obtenir un positionnement original, en tant que leader et avant-gardiste.
- La troisième propose, selon une optique plus pragmatique, une liste non exhaustive de domaines dans lesquels la responsabilité peut être exercée. En fonction de la période considérée et du secteur dont relève l’entreprise, il pourra s’agir plus particulièrement de questions environnementales, sociales, actionnariales ou encore de qualité et de sécurité des produits. »
En rapport avec cette grille proposée par les deux auteurs, Wood (1991) considère que la performance sociétale est « une configuration organisationnelle de principes de responsabilité sociétale, de processus de sensibilité sociétale et de programmes, de politiques et de résultats observables qui sont liés aux relations sociétales de l’entreprise ».

De la PSE à la Performance Globale de l’Entreprise (PGE) :

Dans un souci de clarification, de nombreuses propositions ont été faites pour faire converger les deux logiques financière et sociétale (en abrégé « socio-financière »). Il s’agit alors de combiner entre mesures financières et vision sociétale dans l’appréciation de la performance.

C’est dans ce cadre que le concept de « performance globale » prend toute sa légitimité. Elle est perçue comme « comme une visée (ou un but) multidimensionnelle, économique, sociale et sociétale, financière et environnementale, qui concerne aussi bien les entreprises que les sociétés humaines, autant les salariés que les citoyens » (Marcel Lepetit, 1997) (5). Cette performance globale des entreprises (PGE) se forme « par la réunion de la performance financière, de la performance sociale et de la performance sociétale » (Germain, Trébucq, 2004).

En combinant les différentes dimensions de la PGE, un certain nombre d’outils de mesure ont été proposés :

La conception de la performance selon une approche globale (environnementale, sociale et financière) consiste à rendre opérationnel le concept du développement durable, grâce à l’utilisation des indicateurs de mesure de nature financière (tableaux de bord, ratios, etc.) et socio-environnementale (normes, codes, etc.). Cette approche permet à l’entreprise d’améliorer sa performance à un niveau plus important que celle obtenue par des mesures purement financières ou étroitement sociétale.

Références :
(1) Ackerman R. W. (1973), « How Companies Respond to Social Demands », Harvard Business Review, July-August, pp. 88-98.
(2) Bourguignon A. (2000), « Performance et contrôle de gestion », Encyclopédie de Comptabilité, Contrôle de gestion et Audit, Ed. Economica, pp. 931-941.
(3) Löning H., Malleret V., Méric J., Pesqueux Y., Chiapello E., Michel D., Solé A. (2003), Le contrôle de gestion : organisation et mise en oeuvre, Dunod, 2ème édition, Paris, p. 277
(4) Germain C., Trébucq S. (2004), « La performance globale de l’entreprise et son pilotage : quelques réflexions », Semaine sociale Lamy, pp. 35-41.
(5) Marcel Lepetit, consultant en organisation et expert de comités d’entreprise au Cabinet Développement social et organisation Consultants, a contribué au groupe de travail du Commissariat Général au Plan (CGP) en 1997 sur la performance globale.